Des bords de la Naÿme jusqu'aux bords de l'Auze

Les vestiges de l'abbaye de Bellecombe

Idée rando : Ronde des Moniales
Deux ruisseaux sillonnent la commune d’Araules. Leurs eaux limpides attirent toujours les promeneurs et de nombreux pêcheurs. La Naÿme (ou Naÿve) prend sa source dans le massif du Meygal, au lieu-dit Les Quatre Routes, à 1248 m. d’altitude et sert de limite entre la commune d’Araules et celle d’Yssingeaux. L’Auze prend sa source à Valogeon et traverse la commune du Sud au Nord. Texte Régine Manevy

L’eau est une ressource indispensable à la vie humaine. Pas étonnant que dans les temps anciens les constructions se développaient à proximité des cours d’eau. Ce fut le cas pour le monastère de Bellecombe

Aux bords de la Naÿme

Sur la rive gauche de la Naÿme qui sépare les communes d’Araules et d’Yssingeaux la présence de ruines nous rappellent que jadis, il y eût un lieu habité. Selon la Gallia Christiana, avant 1148, est fondé, à l’orée de la forêt du Meygal, un monastère de femmesIl est installé au pied du suc Ardu, (appelé aujourd’hui Suc de l’église), à plus de 1100 m d’altitude, dans un endroit boisé (appelé aujourd’hui le Bois des Dames) et retiré du monde, « un désert », propre à la prière et à la méditation. Le site se trouve, en ce temps-là, à proximité de deux itinéraires : l’un étant la grande route médiévale des pèlerins du Dauphiné allant de Vienne au Puy en passant par St Bonnet, Tence, St Jeures, Araules, le Col de Raffy, St Hostien... L’autre allant de Saussac à Fay en passant par Leygat.

 Fondé dit-on par les barons de Chalencon, branche du Vivarais, le couvent au Suc Ardu, dépend de l’abbaye cistercienne de Mazan (Ardèche). En 1148, le pape Eugène III, un ancien cistercien, place Elisabeth, la première prieure et ses moniales sous sa protection, par une bulle donnée en marge du Concile de Reims. Les moniales sont des filles nobles venant des familles de Saussac, de Fay, de Bouzols, de Polignac… Les moniales vivent cloitrées. Assistance à la messe et chant des huit heures canoniales occupent une grande partie de leur temps complété par le jardinage, les travaux d’aiguille et de tissage.

Elles doivent aussi assurer la gestion de leurs biens et l’organisation des travaux agricoles. Le nom donné à la première
communauté : « Bellecombe » correspond assez bien aux usages cisterciens. Une « belle combe » en référence à la nature, une petite dépression au pied du Suc Ardu avec des terrains en pente douce propices à l’agriculture.
Les ruines ne sont plus guère visibles à l’heure actuelle, mais on peut dire qu’il ne s’agit pas d’un simple bâtiment de ferme, car le toponyme de « martouret » présent en ce lieu rappelle l’existence d’un cimetière, celui d’un monastère ou d’une église. 
Un chemin « caladé » (une calade dans le langage populaire est une large plaque de phonolithe épaisse) - appelé aussi
voie pavée - rejoint le Suc Ardu au val de Bellecombe en traversant le Bois des Dames.

Du Suc Ardu au Creux de Bellecombe

Environ soixante ans après sa création, l’évêque du Puy, Bertrand de Chalencon, transfère à ses frais le couvent du Suc-Ardu au val de Bellecombe, tout près du village de Courcoules (Araules). Selon Claude Estiennot, la raison de ce déplacement serait les troubles causés par « les loups et autres bêtes sauvages qui dévorent parfois les familiers, les serviteurs et les servantes » du monastère.
Ce nouveau lieu, plus bas en altitude, est bien abrité des vents du Nord, dans un climat plus doux. Isolé, à plus de 6 km au sud-est d’Yssingeaux, à 3 km au nord-ouest d’Araules, il est plus propice à la communauté cistercienne. Les eaux plus abondantes de la Naÿme (ou Ruisseau de Bellecombe) peuvent faire fonctionner un moulin.
La construction du nouveau monastère s’achève en 1210. Bertrand de Chalencon meurt en 1213. Il élit sépulture à l’abbaye, dans la chapelle près de l’autel.

Le monastère du Suc Ardu, transféré au Creux de Bellecombe avait le statut de simple prieuré, sous la direction des
moines de Mazan. Il devient abbaye vers 1250-1256. Celle-ci est élevée au rang d’abbaye royale en 1516 par le Concordat de Bologne. L’abbaye dispose d’un mandement dont elle perçoit les rentes et sur lequel elle fait rendre la justice.

Sa partie principale couvre le flanc oriental du Meygal et les alentours : Montaigu, Suc des Fayes, Suc d’Achon, Mont Clarel, les hameaux et villages de part et d’autre de la Naÿme, et sur la rive gauche de l’Auze.
Cinq propriétés dispersées complètent les possessions de Bellecombe : la Besse près d’Yssingeaux, Adiac et les Verots dans l’Emblavez, Salettes et Belistar enclavés dans la partie épiscopale du mandement de Bonas.

L’abbaye de Bellecombe comporte un cloître près de l’église, dix cellules pour les moniales, un appartement pour
l’abbesse, un réfectoire, des chambres pour les « demoiselles » dont l’abbaye assure l’éducation, cinq chambres
pour les étrangers dont une servant d’appartement à l’aumônier, un cimetière, une grange, un poulailler, un colombier, un moulin et la basse-cour.

Aujourd’hui (propriété privée), il ne subsiste plus qu’un bâtiment oblong flanqué de deux tourelles construites en
réemplois, qui occupe l’emplacement des communs. L’important travail de mise au jour des ruines, a permis de retrouver
notamment l’emplacement de l’église relativement importante. Au bord du ruisseau de Bellecombe on peut voir aussi
l’emplacement du moulin.
L’abbaye très florissante « grenier d’or et d’argent » a connu aussi ses heurs et malheurs. A la Révolution, les moniales sont contraintes de quitter les lieux le 4 octobre 1792.

Jusqu'aux bords de l'Auze

Dans la tourmente révolutionnaire, les moniales sont chassées. Elles sont au nombre de onze : Mme de Retz, abbesse ; Mmes de Lussac ; de Châleauneuf ; de Romeuf ; de Beaufort ; de Chastel ; de Bouiller ; du Verger ; de Rochemure ; de Saint-Pol et de Pozols. Elles se réfugient chez des paysans des environs. Dans sa fuite, la dernière abbesse Mme de Retz

remet à la famille Vey d’Araules le précieux tableau que l’on appelle aujourd’hui « leTableau miraculeux de Notre Dame d’Araules » avant de se réfugier chez sa parente Mme de Chavagnac, mère de La Fayette.


Une légende évoque le fameux mystère qui entoure ce tableau. L’image dédiée à l’église araulaise avait été retrouvée, comme par magie, posée au pied d’une croix en bord de chemin conduisant au hameau de « la Salce » aux bords de

l’Auze. Elle avait également été vue à Saint-Jeures, « Raffy » … avant de revenir au pied de la croix.

Stupéfait, le clergé avait organisé une procession pour la reconduire dans l’église d’Araules.


C’est là que l’on peut le voir aujourd’hui. Il a été classé au monument historique en 2014.

Voici une page de l’histoire de notre pays relatée succinctement à travers les vestiges que l’on peut découvrir aux bords des ruisseaux : la Naÿme et l’Auze. L’histoire de cette abbaye est étroitement liée à la commune d’Araules dont le mandement occupait la plus grande partie ; le reste appartenant au mandement de Bonas.

IDEE RANDO - LA RONDE DES MONIALES

à retrouver sur IGN RANDO (cliquer ici)

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